Ma langue

 Ma langue est comme une île
Battue par tous les vents,
La force de l'exil,
Le poids de l'isol'ment.
C'est une citadelle,
Que chaque jour assaille,
Une dame en dentelle
Au pays des GI.

Que tangue ce fétu,
Ballotté, négligé,
Cette terre inconnue,
Ma langue naufragée.
Trop belle et volubile
Pour les affair's du monde,
C'est une fleur fragile
Aux racines profondes.

Et je tourne sept fois
Ma langue dans ma bouche,
Embrassant à la fois
Tous ses mots qui me touchent.

Ma langue est un oiseau
Dans le soleil couchant,
La plume de Rimbaud
Trempée dans l'océan.
C'est un champ de galets
Où roulent ses accents,
L'accord plus que parfait
Et de l'encre et du vent.

Que volent les voyelles
Contre vents et marées,
Les mots à tire d'aile,
Ma langue chamarrée.
D'aussi loin que reviennent
Les premières paroles,
C'est sa chanson lointaine,
Qui me berc', me console.

Et je tourne sept fois
Ma langue dans ma bouche,
Embrassant à la fois
Tous ses mots qui me touchent.

Ma langue est un écho
A l'autre bout du monde,
Sans frontièr' ni drapeau,
Des voix qui se répondent.

Et que tournent sept fois
Nos langues dans nos bouches.

Philippe Thivet
(11/10/2006)

 

 

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