Ma gourde cabossée
Il n’y a jamais loin
De sa coupe à mes lèvres
Elle sait prendre soin
Des moindres de mes fièvres
Je caresse ses courbes
Pour un peu de fraîcheur
Mais la mémoire est fourbe
Et résonne de heurts
Ell’ dit histoire en braille
De toutes nos gamelles
Et de vaille que vaille
Nos remontées en selle
Mon bistrot, ma bouée
Ma gourde cabossée
M’en allant sillonner
Les sentiers de rando
Je l’entends chantonner
Doucement dans mon dos
Le verre à moitié vide
Des jours de canicule
Sous le soleil avide
Y recompte ses bulles
Sur ma pépie d’oiseau
Au comptoir des margelles
Son cocktail H2O
Me redonne des ailes
Mon bistrot, ma bouée
Ma gourde cabossée
Que je tire la langue
À la trouver trop fade
Elle me laisse exsangue
Rêvant de citronnade
Cheminant sur le fil
Au partage des eaux
La voici volubile
M’inventant des ruisseaux
Elle décompte en litres
Ce que je compte en pas
Quand la pluie sur la vitre
Se perd en entrelacs
Mon bistrot, ma bouée
Ma gourde cabossée
Elle est de mes suées
En emperlant mon front
Et je suis Crusoé
Flottant sur son bouchon
Elle est mon oasis
L’étoil’ de mes déserts
Bien plus précieux calice
Que le cristal des verres
Tant va la cruche à l’eau
Que l’on en sait la fin
Ell’ laisse à son goulot
Votre soif sur sa faim
Mon bistrot, ma bouée
Ma gourde cabossée
Voici plus de vingt ans
Que nous allons ensemble
Cabossés par le temps
Je crois qu’on se ressemble
Mon bistrot, ma bouée
Ma gourde cabossée
Philippe Thivet
(14/05/2021)