L’accordéon et la kora

(À Ablaye Cissoko & Cyrille Brotto)

Qu’un souffle de l’accordéon
Croise l’écho de la kora
Que croyez-vous qu’ils se diront
Que pensez-vous qu’il en sera

De quel accent parleront-ils
De quel soleil, de quelle terre
De quell’ misèr’, de quel exil
Contre quell’s lois identitaires

Comme l’a dit Sédar Senghor :
« Certains se trompent de colère »
Tant de beauté leur donne tort
Nous sommes pluricellulaires

Que quelques contes de griot
Croisent ce souffle diatonique
Pour mieux nous dire avec brio
Que leur langage est la musique

Que nous réchauffe ce dialogue
Que l’on entende sa prière
Quand l’ombre noire des pirogues
Revient s’échouer sur nos frontières

Quand même sans être bilingues
Nous partageons cette impuissance
La plainte de ce chant mandingue
Sur les plages de Casamance

Que les légendes africaines
Croise(nt) en passant le vent d’autan
Que croyez-vous qu’il en retienne
De ces histoire(s) et de l’instant

Que la chaleur du chant profond
Résonne au creux des calebasses
Que s’y pianote(nt) à plein poumon
La joie, la douleur et la grâce

Quand leurs mémoires se mélangent
Pour s’inventer des souvenirs
De leurs vingt doigts qui les démangent
Écoutons ce qu’ils ont à dire

Que les remous la Garonne
Croisent le fleuve Sénégal
Le géographe s’en étonne
Le mélomane s’en régale

Quand le cobra hante la friche
Portons des graine(s) à nos semelles
La forêt n’en est que plus riche
Quand les racines s’entremêlent

Et quell’ que soit cette arrogance
Des oublieux dans leur empire
Gardons toujours cette élégance
D’y opposer notre sourire

Le souffle de l’accordéon
Croisant l’écho de la kora
Ces fleuves-ci vous le diront
Le monde chante entre leurs bras

Le griot rouge sur la rive
Y voit passer l’ombre des djinns
Les villageois à la dérive
La vie meilleur’ qu’ils imaginent

Le souffle chaud d’humanité
De peau, de bois, d’art et de cordes
Le reflet de cette amitié
Et de leurs cœurs qui s’y accordent

Qu’un souffle de l’accordéon
Croise l’écho de la kora

Philippe Thivet
(19/03/2025)

×