Qu’une plume
Je ne suis qu’une plume
Ballotée par le vent
Un gréement de fortune
Perdu sur l’océan
Je hurle, je paraphe
Enflammant le papier
Je vante l’orthographe
Et je m’y prends les pieds
Je ne suis rien qui vaille
Dans le flot des tempêtes
Rien qu’un fétu de paille
Au feu d’une allumette
Qu’on me dise légère
Et je deviens bavarde
Faisant quelques manières
De grands mots, je me farde
Je ne suis qu’une plume
Rêvant de tire-d’aile
Engluée de bitume
Au ciel gris des marelles
Je rimaille et pourfends
D’une humeur volatile
Et si je m’en défends
Je suis bien inutile
Je ne suis que duvet
Se rêvant édredon
Pauvre chardonneret
Aux glouglous de dindon
Je cherche les regards
Et j’aime entre les lignes
Mais le vilain canard
Ne sera jamais cygne
Je ne suis qu’une plume
Fauchée dans son élan
Drôl’ d’oiseau que résument
Quelques mots, noir sur blanc
Je m’invente à la marge
Des couleurs d’arc-en-ciel
De corbeau mon ramage
Dégouline de fiel
Je ne suis que cette ombre
Qui chinoise ses heures
Semant sur les décombres
Quelques idées de fleurs
Charognards et rapaces
Peuvent bien s’envoler
Je suis mémoir’ fugace
D’un oiseau bariolé
Je ne suis qu’une plume
Dont l’encre se répand
La vanité posthume
D’une fierté de paon
Colombine à ta peau
Je me ferai chatouille
Mets-moi à ton chapeau
Et partons en vadrouille
Philippe Thivet
(25/02/2021)