La dame qu’on vouvoie

Dans son sourire la gamine
L’idée nouvelle qui chemine
Nous dit, je sais que je suis grande
Je me décris à la demande

Je sais le futur en dodos
Mon goûter dans mon sac à dos
Parler de moi, j’en redemande
Mais vite, mes poupées m’attendent

Dans son sourire adolescent
Ce quelque chose d’indécent
Nous dit, je sais que je suis belle
Pour me sculpter, soyez Claudel

Je sais les choses que j’ignore
J’en veux savoir bien plus encore
Parlez de moi si ça vous dit
Je veux braver les interdits

Mine sérieuse, trentenaire
Mesurant ce qu’il reste à faire
Nous dit, je sais ce que je veux
La vie se gagne comme un jeu

Je sais le monde et ses rouages
Dans cette histoir’ je veux ma page
Parlez de moi, ça m’intéresse
Et des grands projets que je dresse

Dans son sourire entre deux eaux
Moitié vermeil, moitié ado
Nous dit, je sais ce que je suis
Enfin surtout ce que je fuis

La vie se prend comme elle vient
Si l’on y met un peu du sien
Parler de moi, quel intérêt
Il est trop tard pour les regrets

Dans son sourir’ la vieille dame
Et dans les yeux comme une flamme
Nous dit, je sais que je suis belle
Décrivez-moi à l’aquarelle

Je sais la vie et d’autres choses
Et la fragilité des roses
Parlez de moi si ça vous chante
Je suis tout ça, et je m’en vante

Je suis encor’ cette gamine
Faisant trésor d’une opaline
Je suis le charme adolescent
Venant jouer les innocents

Je suis, « le monde m’appartient »
Mêm’ si je sais qu’il n’en est rien
Je suis au cinquantièmes hurlants
Le vol plané des goélands

Je suis la dame qu’on vouvoie
Pour tous les âges qu’on y voit

Philippe Thivet
(Belle-Île, GR®340, 23/05/2024)