Vieux con
À quel moment le cœur décroche
Du feu sacré de la jeunesse
Se contentant de proche en proche
De ressasser quelques prouesses
À quel instant, quel jour, quel âge
Le cœur s’arrête pour de bon
N’en demandant pas davantage
Comptable de ses moindres bons
À quel moment se peut-il qu’on
Soit un vieux con
À quel moment renonce-t-on
À nos folies et à nos rêves
À voir ce que nous regrettons
Plutôt que le jour qui se lève
À quel instant, quel jour, quell’ bière
Dit-on : « Les jeun’s ne valent rien »
Répétant comme une prière :
« Ce que je sais me suffit bien »
À quel moment se dis’nt-ils qu’on
Est un vieux con
À quel moment le cœur ronchonne
Cette chanson-là dans le vent
Cette colèr’ qui tourbillonne
Sur l’air du « C’était mieux avant »
À quel instant, quel jour, quelle heure
Décide-t-on que c’est assez
Qu’à leur âge on était meilleur
Quand on est juste dépassé
À quel moment peut-on dir’ qu’on
Est un vieux con
À quel moment de notre histoire
Décide-t-on qu’elle est la seule
La véritable à fair’ valoir
Qu’on la marmonne ou qu’on la gueule
À quel instant, quel jour, quell’ place
Arrête-t-on d’être vivant
Ne voyant plus qu’une menace
Dans tout ce qui n’est pas, avant
À quel moment ne voit-on qu’on
Est un vieux con
À quel moment dans le miroir
Ne voit-on plus que ce vieux schnock
Faisant lui-mêm’ semblant de croire
Qu’il a vécu la belle époque
À quel instant, quel jour, quel chaîne
Ne vit-on plus qu’en faits divers
Un flot de fiel au creux des veines
Et tout le cœur bouffé aux vers
À quel moment se dit-on qu’on
Est un vieux con
Si le moment devait venir
À moins qu’il ne soit déjà là
Mes bons amis faites-moi dire
Qu’il est temps que j’en reste là
À la ciguë alors trinquons
À moi, vieux con
Philippe Thivet
(GR®5, 14/09/2024)