L’arbre du square
Qu’on le dise de bois
Mais il reste de marbre
Quand la scie aux abois
Joue sa danse macabre
Il ne fait pas le poids
Contre une ville entière
Et qu’importe qu’il soit
Bien plus que centenaire
La marée de béton
Est venue fair’ sa loi
Ils y replanteront
Un arbuste bien droit
Un toutou bien taillé
Qui n’aura pas le choix
Payé de liberté
A coup de chèque en bois
Entendez le vacarme
De son dernier fait d’arme
Le fracas de ses branches
Refusant d’être planches
Il pouvait raconter
Tout un siècle aux flâneurs
Il en est à compter
Les dents d’un promoteur
Si l’avenir est sombre
Au front de sa splendeur
Il ne fera plus d’ombre
A ceux des promeneurs
La foudre dans sa rage
Faisait trembler son cœur
Désormais les orages
Ne lui feront plus peur
Voici que l’on déboise
Sa mémoir’ de conteur
Et son ombre chinoise
A d’étranges pâleurs
Entendez le vacarme
De son dernier fait d’arme
Le fracas de ses branches
Refusant d’être planches
C’était l’arbre du square
Abritant les marmots
Il gardait en mémoire
La gravur’ de leurs mots
A tous les cœurs battants
Dessinés sur sa peau
Il revoit ses printemps
Et nos amours d’ados
A peine sciure au vent
Il rejoint les oiseaux
Qui tissaient si souvent
Leurs patte(s) à ses rameaux
Il ne rougira plus
Aux strip-tease(s) automnaux
Tout ce qu’il a connu
N’y est plus que copeaux
Entendez le vacarme
De son dernier fait d’arme
Le fracas de ses branches
Refusant d’être planches
Qu’on les dise de bois
Mais sommes-nous de marbre
Quand la scie aux abois
Rôde au pied de nos arbres ?
Philippe Thivet
(05/11/2017)