État d’âme d’une plante verte
J’avais des rêves fous
D’épiphytes, de lianes
D’aras, de sapajous
De jungle et de savane
Une pluie tropicale
Au tambour de mes feuilles
Me contant des escales
Qui vaudraient le coup d’œil
J’étais graine rebelle
Emportée par le vent
Sous l’ail’ d’une hirondelle
Vers le soleil levant
Oui, je visais le ciel
Aux trous des frondaisons
Tout est artificiel
Je n’ai plus de saisons
Je suis la plante verte
Au coin de cette estrade
Je mesure mes pertes
À l’aune des tirades
Je rêvais de grand air
De ma place au soleil
Je ne suis qu’un parterre
En salle du conseil
Une averse de chiffres
Au tambour de la com.
Le sourir’ des sous-fifres
Dans cet auditorium
Vous parlez de croissance
Pendant que je végète
Visant l’obsolescence
J’attends que l’on me jette
Je rêve solitaire
De forêts de légende
De vie de pleine terre
Loin de vos Jardiland
Je suis la plante verte
De tous vos séminaires
Vos profits et vos pertes
Polluent ma jardinière
Je rêve de nature
De matins dans la brume
En traînant mes boutures
À l’ombre des costumes
Un soleil électrique
Pour ma photosynthèse
Et votre politique
Comme engrais de synthèse
Votre langue de bois
N’est pas d’essence rare
Les parol’s qu’on y boit
Ont un goût de curare
Oui, je rêve d’oiseaux
De chants, de singes hurleurs
Bien loin de votre zoo
Où je ne suis qu’un leurre
Je suis la plante verte
Plantée dans vos meetings
Attendant qu’on disserte
De votre greenwashing
Je me tiens en retrait
Pensant dans votre dos
À ce bois dont sont faits
Mes rêves les plus beaux
Le tuteur d’un pupitre
Pour vous tenir bien droit
Vos fonctions et vos titres
D’animaux à sang-froid
Je cache la forêt
De votre fatuité
Mais je rêve en secret
De pouvoir vous quitter
Oui, j’ai des rêves fous
D’épiphytes, de lianes
D’aras, de sapajous
De jungle et de savane
Je ne suis qu’une plante
Posée sur cette estrade
J’entends que l’on se vante
De cette mascarade
Philippe Thivet
(04/04/2025)