Dernier bivouac avant la mer
Des souvenirs plein la besace
Pour mesurer le temps qui passe
Des cols, des pas, des pics, des baisses
Pour bien savoir que rien ne presse
Les Alpes au gré de ce sentier
En noms de lieux qui se mélangent
De la joubarde aux oliviers
L’ombre animale qu’on dérange
Des nuits de vent sur les sommets
Des jours marchés sans toucher terre
Et tout le coeur que l’on y met
Ce sang battant dans les artères
Dernier bivouac avant la mer
Ne plus savoir le jour et l’heure
Au cadran de notre sueur
Voir le Léman si loin derrière
Toujours plus loin à chaque pierre
La dernièr’ goutte au fond des gourdes
À savourer comme un nectar
Le cœur léger, les jambes lourdes
Prêt à reprendre le départ
Et si l’idée est bien jolie
Des traversées en solitaire
Il y a toujours quelque folie
Au premier pas qu’il faut en faire
Dernier bivouac avant la mer
Les jours passés dans la caillasse
À espérer que le temps passe
L’hermine dans son jeu d’adresse
Pour bien nous dir’ que rien ne presse
La fraîcheur vive des torrents
Quand le corps aspire au repos
Le petit coin d’herbe attirant
Avec la sieste dans la peau
Chamois, bouquetins et écureuils
Tant de rencontres éphémères
Cette framboise que l’on cueille
Les télésièges sans hiver
Dernier bivouac avant la mer
Que l’on en doute ou qu’on en rie
Voyez l’histoir’ de la souris
Qui accouche d’une montagne
Je sais ici ce que j’y gagne
Le goût précieux d’une fontaine
Les jours de marche en plein soleil
Des paysages par centaines
Qui tout à coup vous émerveillent
La nuit découpée par le roc
À écouter bramer le cerf
Loin du tumulte de l’époque
L’aube naissante au matin clair
Dernier bivouac avant la mer
Au gré de cette itinérance
D’où je reviens plein de silence
J’ai amassé cette fortune
De belle étoile et pleine lune
La joie déjà de l’avoir fait
Et l’envie que ça continue
Tout ce chemin que je refais
À cette dernièr’ nuit venue
D’où je rapporte des prénoms
Des anonymes, des bergères
Peut-être ils se reconnaîtront
Jean-Luc, Denise ou Marie-Pierre...
Dernier bivouac avant la mer
Et pour parcourir cette zone
Il y aura toujours le Rhône
Qui bien moins fou, par sa vallée
Gentiment se laisse couler
Léman - Menton, par le GR
Dernier bivouac avant la mer
Philippe Thivet
(GR5-GR52, 18/09/2020)