Aube minérale
Et quand le jour se lève à petits pas feutrés
Au cœur de ces montagne(s) où je viens m’égarer
Et quand le jour s’étonn’ de me trouver debout
Sur l’envers matinal de l’entre chien et loup
Quand la nuit cède au vent ses tout derniers pétales
Que juste une étincelle embrase les sommets
Quand cet éclat diffus tombe à l’horizontal
Pour offrir sa portée au chant d’un ruisselet
Et quand le cœur se fig’ l’espace d’un moment
Suivant dans les rochers le ballet d’une hermine
Qu’à peine un peu de brume dessine un torrent
A cet instant rosé où jour se devine
Il n’y a pas de mots
Pour dir’ ces instants-là
Qu’un frisson sur la peau
La jouissanc’ d’être là
Et quand la nuit déjà nous apparaît bien pâle
Au jeu d’ombres chinois’s de l’aube minérale
Et quand la vie se prend à retenir son souffle
Au creux de ces sentiers où parfois je m’essouffle
Quand le soleil affleure au tranchant d’une arête
Que nuages et rocs entam’nt un pas de danse
Quand les vents d’altitude ébouriffent les crêtes
Ou qu’un bruissement d’ail’ souligne le silence
Et quand l’air frais caress’ le contour de mon corps
Au milieu de null’ part, vivant comme jamais
Bien plus qu’un peu d’air pur et bien plus qu’un décor
Où la beauté m’invite à me faire discret
Il n’y a pas de mots
Pour dir’ ces instants-là
Qu’un frisson sur la peau
La jouissanc’ d’être là
Et quand le jour repeint les couleurs vitrifiées
D’une fleur sous la glace en plein cœur de l’été
Et quand le lourd glacier fait craquer ses vieux os
Que dans l’écho laiteux s’élève un cri d’oiseau
Quand l’avion de granit où je plane à deux mille
Soudain reprend son vol au détour d’un sommet
Quand un vallon sauvag’ paraissant si tranquille
Sait qu’à l’ombre des feuill’s l’hiver est aux aguets
Et quand le ciel hagard au miroir d’une flaque
Remet un peu de bleu au coin de ses paupières
Qu’une pointe enneigée fait un plat dans un lac
Dans ce jeu renversant qui fait flotter la pierre
Il n’y a pas de mots
Pour dir’ ces instants-là
Qu’un frisson sur la peau
La jouissanc’ d’être là
Philippe Thivet
(10/07/2011)