Ma peine
Ma peine est comme l’eau
Insaisissable et folle
Elle part à vau-l’eau
Ou se noie dans l’alcool
Ma peine est ainsi faite
Pleine de déraison
Le cœur est à la fête
Sirotant ce poison
Ma peine est cicatrice
Faite à même le cœur
Voyeuse autant qu’actrice
De mon sourir’ moqueur
Ma peine est de diamant
Roulant au creux des joues
Et je suis son amant
La couvrant de bijoux
Ma peine est illusoire
Allant à chaudes larmes
Quand l’eau n’est qu’accessoire
Pour le moulin des drames
Ma peine est souterraine
Silencieuse et secrète
Comme ce ciel de traîne
Quand l’averse s’arrête
Ma peine est une garce
Qui se farde les yeux
Pour mieux goûter la farce
De me prendre à son jeu
Ma peine est eau qui dort
Au jusant de l’amour
À jouer les cadors
J’y sombre sans retour
Ma peine est illusoire
Allant à gros bouillons
Quand l’eau n’est qu’accessoire
Quoi que nous en pensions
Ma peine est un mensonge
Que me fait la mémoire
Quand le bonheur ne songe
Qu’à réviser l’histoire
Ma peine est réjouissance
Au jeu des sept erreurs
Là où n’est que l’absence
S’illustrait le bonheur
Ma peine est travestie
Sous un éclat de rire
Quand le corps s’investit
À n’en rien vouloir dire
Ma peine est goutte d’eau
Juste au débord du vase
La plume, le fardeau
L’étincelle et le gaz
Ma peine est illusoire
Aux digues de mes cils
Quand l’eau n’est qu’accessoire
Aux yeux des crocodiles
Ma peine est à la peine
Quand revient le printemps
Et que mon cœur s’entraîne
À revivre à plein temps
Philippe Thivet
(GR5, 08/09/2020)