L’arbre
Si la langue de bois
De vos hommes de peu
Ne plaide pas pour moi
Mon tronc, lui n’est pas creux
Depuis longtemps debout
Je garde le cœur tendre
Je témoigne de vous
Et à qui veut l’entendre
J’ai connu vos aïeux
Les carrosses d’antan
Et si j’en crois mes yeux
Je berce vos enfants
Voyageur immobile
Je ne suis rien qu’un arbre
Rien qu’un arbre
Entre mille
Et si je bois la tasse
Comptoir de l’océan
Que la marée m’enlace
Et je mets cap au vent
La foudre et la tempête
Dévorantes passions
En veulent à ma tête
S’enroulent à mon tronc
Je suis de ce copeau
Dont on fait les forêts
Et le bois du radeau
Dont Robinson rêvait
Voyageur immobile
Je ne suis rien qu’un arbre
Rien qu’un arbre
Entre mille
Si la pluie sur mes feuilles
Vient clapoter son chant
Que l’automne les cueille
Je fais chanter le vent
Des bois de Casamance
A la forêt d’Ukraine
Je suis de cette essence
Dont on fait l’oxygène
Et quand les eaux ravinent
Les terrains à la ronde
C’est entre mes racines
Que je retiens le monde
Voyageur immobile
Je ne suis rien qu’un arbre
Rien qu’un arbre
Entre mille
Si je tutoie le ciel
J’ai bien le pied sur terre
Et je vous tends l’ombrelle
De mes bras centenaires
Là mon ombre chinoise
Projette des voiliers
Des flammes qui pavoisent
Au berceau d’un foyer
Mais je crains moins en somme
De ces fins qui m’honorent
Que vos mains bûcheronnes
Qui me laissent pour mort
Voyageur immobile
Je ne suis rien qu’un arbre
Rien qu’un arbre
Entre mille
Olivier, séquoia
Biloba, baobab
Tilleul, orme, acacia
Figuier, chêne ou érable
Je ne suis rien qu’un arbre
Philippe Thivet
(10/08/2011) Photographie: Anne-Marie Pereira