Gran Abuelo
Dans ce monde de dents
De profits et de lames
Sur ces charbons ardents
Où tant ont rendu l’âme
Loin de nos grands voiliers
Des fières cathédrales
S’élève ce pilier
Ce témoin végétal
5000 ans nous regardent
Du haut de ce cyprès
Pour mieux nous mettre en garde
Contre le couperet
Quand la moindre contrée
Indique la surchauffe
Que chacun veut montrer
Le bois dont il se chauffe
Il n’était qu’une graine
Un rejeton du vent
La sève dans les veines
Pour se sentir vivant
5000 ans de mémoire
Au braille de l’écorce
Tout autant pour y croire
Ou signer le divorce
Lui, déjà sur la Terre
À l’èr’ précolombienne
Ombrageant de mystère
Quelques sentes indiennes
Il n’était qu’un bourgeon
Dans l’idée de ce monde
Portant en sauvageon
Cette forêt profonde
5000 ans nous regardent
Du haut de ce cyprès
Et son pesant d’échardes
Semblant dire, et après ?
Ce n’est qu’un javelot
Qui nous pointe en plein cœur
Pour jeter à vau-l’eau
Nous sourires vainqueurs
Il nous dit en passant
Tout ce qu’on a perdu
Et la sève, et le sang
À son pied répandus
5000 ans sans tapage
Loin des homme(s) et du monde
À ne pas fair’ son âge
À compter nos secondes
Nommé Gran Abuelo
Ce doyen du vivant
Est plus que cet îlot
Battu par tous les vents
Il est tout à la fois
Un arbre, un continent
Quand homm’s de peu de foi
Nous ne somm’s que manants
5000 ans, et pourtant
Qu’en a-t-on retenu
Gran Abuelo attend
Qu’on en soit revenus
Philippe Thivet
(01/05/2023)