La valse des étiquettes

L'étiquette,
Qui vous colle à la peau,
Qui s'entête
A planter son drapeau
Dans les têtes.

Confetti de nous-mêmes,
Qui n' sait rien, des bricoles,
Mais qui le dit quand même
En donnant sa parole.

D'un petit bout de vie,
D'une simple anecdote,
Elle arrange, ell' déduit,
Et vous dresse la note.

Elle dispense en somme
De mieux se regarder,
En nous déclarant comme
Ell' nous a décrétés.

L'étiquette,
Qui vous colle à la peau,
Qui s'entête
A planter son drapeau
Dans les têtes.

Raccourci où s'égarent
Les reliefs de notre âme,
Qu'elle englue sous le fard
Où paraiss'nt les quidams.

D'un trait de caractère
Ell' vous croque un portrait,
Dans vos frasques d'hier
Ell' vous fige à jamais.

Ell' décide, ell' ressasse,
Ce qu'on sait déjà trop,
Elle veut quoi qu'on fasse
Avoir le dernier mot.

L'étiquette,
Qui vous colle à la peau,
Qui s'entête
A planter son drapeau
Dans les têtes.

Résumé bien carré,
Qui fait penser en rond,
Tel un bon vieux cliché
Tenant lieu d'opinion.

D'un aveu qui s'échappe
D'une conversation,
Ell' vous coul' sous la chape
De son avis de plomb.

Classement par le vide,
Elle occulte au passage
Les facett's plus timides
De votre personnage.

L'étiquette,
Qui vous colle à la peau,
Qui s'entête
A planter son drapeau
Dans les têtes.

Carte d'identité
Falsifiée de bonn' foi
Où le masque imposé
Est le portrait de choix.

D'un sign' particulier
Elle vous catalogue,
En venant prononcer
Quelque sentence en vogue.

Elle annonce la couleur
En ignorant la gamme,
Pas question sous ce leurre
D'avoir des états d'âme.

L'étiquette,
Qui vous colle à la peau,
Qui s'entête
A planter son drapeau
Dans les têtes.

De cell' qu'on colle aux autres,
Et qui dit qui l'on est,
A cell' qui est la notre,
Dont on se passerait.

Toutes nos étiquettes,
Encombrant's et poisseuses,
Ne sont que les pens'-bêtes
De nos vues paresseuses.

Les sangsues sont lâchées,
Au bal des étiquettes
Allons les fair' valser,
A en perdre la tête.

Philippe Thivet
(04/03/2003)