Jeune femme à la rose


Dessin: Sarah Thivet d'après la sculpture de Brigitte Zieger, Jeune femme face à la police militaire

 Et le canon de bronze est devenu statue
Une fleur à la main au coin de l’avenue
Et les canons d’hier aujourd’hui se sont tus
Bâillonnés par la grâc’ d’une douce ingénue
Silhouette anonyme, étrange et familière
Au milieu des passants, un sac en bandoulière
Serait-ce un souvenir ou juste un peu de vent
Qui fait ciller ses yeux, de bronze cependant ?

 Et la folie des hommes a laissé ce témoin
Cette femme fragile et forte néanmoins
Et la folie d’hier sillonne encor’ le monde
Quand la fille aux mains nues mène toujours la fronde
La polic’ militaire était là droit devant
Juste au bout de ce bras, de la rose qu’il tend
Ne serait-c’ qu’un symbole ou le poids d’une vie
Cette ombre du décor croisée sur le parvis ?

Sur le macadam
Une fleur éclose
Petit bout de femme
Offrant une rose
De chair ou de bronze
De bronze et de chair
Petit bout de femme
Offrant une rose

 Et le canon de bronze est devenu statue
Rappelant aux passants, que l’histoire est têtue
Et les canons d’hier ont trouvé d’autres cibles
D’autres peuples lointains aux voix imperceptibles
D’autres mains qui se tend’nt, ouverte(s) et désarmées
Corps de chair et de sang face aux forces armées
Serait-ce une photo, une brève au journal
Dans le flot quotidien de nos horreurs banales ?

 Et la fleur du pavé vient nous dir’ : Souviens-toi
La fraîcheur d’une ros’ tenue entre les doigts
Et cette fleur offert’ semble dire aux passants
Nous ne somm’s que pétal’s emportés par le vent
La poésie du geste et la folie pourtant
De se tenir debout, debout tout simplement
Ne serait-ce qu’un cri ou l’appel silencieux
De ce doux corps d’airain, que l’on croise en ce lieu ?

 Sur le macadam
Une fleur éclose
Petit bout de femme
Offrant une rose
De chair ou de bronze
De bronze et de chair
Petit bout de femme
Offrant une rose

Et la femme de bronze était là les mains nues
Jeune statue frondeuse au coin de l’avenue
Mais les canons pourtant jamais ne se sont tus
Gras de chair et de sang dont on fait les statues
Silhouette anonym’ le chapeau jusqu’aux yeux
Dénonçant la rumeur de l’airain belliqueux
Serait-ce un peu de pluie au creux de son visage
Ou l’éclat d’un sourir’, que l’on cueille au passage ?

Sur le macadam
Une fleur éclose
Petit bout de femme
Offrant une rose
De chair ou de bronze
De bronze et de chair
Petit bout de femme
Offrant une rose

Philippe Thivet
(11/10/2010)