Ce paquet de mouchoirs

L’agitation d’un quai de gare
Où les adieux nous désemparent

La reddition dans la bataille
D’un drapeau blanc hissant ses mailles

Le rouge éclat de ce baiser
Qui dans un coin vient se poser

La main tendue à l’inconnue
Pour une larme mise à nu

Ce paquet de mouchoirs 
Tombé de quelque sac
À même le trottoir
Au plat de cette flaque
Ce paquet de mouchoirs
Glissant de quelque poche
Sait-il de quelle histoire
Il a loupé le coche

La traversée en solitaire
De l’onaniste de croisière

Le plaisir à même la peau
Du corps aspirant au repos

Le gros chagrin tout en trompette
À force dix de la tempête

Ces larmes-là de crocodile
La commedia tirant ses fils

Ce paquet de mouchoirs 
Tombé de quelque sac
À même le trottoir
Au plat de cette flaque
Ce paquet de mouchoirs
Glissant de quelque poche
Sait-il de quelle histoire
Il a loupé le coche

Le petit rhume des consonnes
À la partition du trombone

Le grand déluge d’un cafard
Roulant ses gouttes sous le fard

Les expédients de la nature
Quand le corps est à la torture

Le fond douillet de cette poche
Loin de la morve de ce mioche

Ce paquet de mouchoirs 
Tombé de quelque sac
À même le trottoir
Au plat de cette flaque
Ce paquet de mouchoirs
Glissant de quelque poche
Sait-il de quelle histoire
Il a loupé le coche

La gomme alliée de l’apparat
Au trait tremblant de mascara

Les doigts d’enfant tachés de mûres
Pris dans le pot de confiture

La fiente verte du pigeon
Achevant pile son plongeon

L’aide-mémoire discutable
Au temps venu du tout jetable

Ce paquet de mouchoirs 
Tombé de quelque sac
À même le trottoir
Au plat de cette flaque
Ce paquet de mouchoirs
Glissant de quelque poche
Sait-il de quelle histoire
Il a loupé le coche

Le goût sucré de ton quatre-heures
Les taches d’encre de l’auteur

Philippe Thivet
(17/06/2020)