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Dissimulé comme un amant
A la croisée de vos romans
Je garde un œil sur les secrets
De votre livre de chevet

 J’aurais connu en d’autres temps
Les nuits de vos carnets intimes
Les larmes d’encre s’asséchant
Et vos aveux les plus infimes

 Tête posée sur l’oreiller
Souvent, je vous regarde lire
Sur un chapitre, ensommeillée
Vous promettez de revenir

 Fidèle, je vous y attends
A l’ombre des mots en suspens
Au point de lutte où la fatigue
Pourtant l’emporte sur l’intrigue

 Glissé dans vos bagages
Au gré de vos voyages
Je lis à livre ouvert
Dans vos vies passagères
Sage comme une image
Moi, je marque vos pages

 Dans ce costume de papier
Que tendrement vous effeuillé
Glissé sous votre couverture
Je me languis de vos lectures

 Et qu’importe que vous partiez
Au bras de quelque personnage
Confiant, j’attends que vous tourniez
De cette histoire, enfin la page

 Quand cette parenthèse close
Je me retrouve entre vos doigts
Le cœur battant, je m’y repose
Rêvant à la prochaine fois

 N’étant que points de suspension
Entre le temps et la passion
Au point final de vos histoires
J’attends déjà de vous revoir

 Glissé dans vos bagages
Au gré de vos voyages
Je lis à livre ouvert
Dans vos vies passagères
Sage comme une image
Moi, je marque vos pages

 Je vous retrouve certains soirs
Dans les affres d’un roman noir
Ou la raison mise au supplice
Par le jargon d’une notice

 Pour vous changer ces idées noires
Je vous invite au dictionnaire
A d’autres mots, d’autres histoires
Pris au hasard d’une étagère

 Pour une nouvelle aventure
Vous m’oubliez sur les coussins
Tout ça n’est que littérature
Je reste à portée de vos mains

 De la Pléiade ou de vos Poches
Ces mines d’encre où vos yeux piochent
Menue monnaie, trésors insignes
Je vous y lis entre les lignes

 Glissé dans vos bagages
Au gré de vos voyages
Je lis à livre ouvert
Dans vos vies passagères
Sage comme une image
Moi, je marque vos pages

 D’autres, dévots irréductibles
M’auraient bien vu sur papier bible
Fendre la mer de bord en bord
Rompre le pain, que sais-je encore ? 

 Aux yeux d’une âme trop sensible
Je crains de n’être qu’un mouchoir
Qu’une liseuse, chose horrible
Me consigne au fond d’un tiroir

 Qu’au mieux je retombe en enfance
Dans la Bibliothèque Rose
Plutôt qu’avec intransigeance
Dans un contrat marquer les clauses

 Moi je veux perdre mon latin
Dans le fouillis de vos bouquins
Vivre cent vies et palpiter
Au gré de vos curiosités

 Sage comme une image
Je n’ suis qu’un marque-page

 Philippe Thivet
 (09/02/2014)