Le vieux Bernard

Le vieux Bernard est mort,
Pas si vieux, pas si mort,
Et ses mots chant'nt encore
Du côté de Montmartre.
Son vieux cœur cabossé
Qui en a vu passer,
Par son encre versée
N'a pas cessé de battre.

Les enfants de Louxor
Sont à peine orphelins,
Emportant ses trésors
Dans le creux de leurs mains.
Et qu'ils se soient connus
Ou ratés de mille ans,
Cela n'importe plus,
Ils se touche(nt) à présent.

Le vieux Bernard est là,
Pas si vieux, pas si las,
J'entends venir son pas
Au détour d'un bouquin.
Je le vois agiter
Ses manches élimées,
Jurant de s'envoler
Avant le jour prochain.

Le quartier des Abbesses
N'a pas rendu son âme,
Sous les néons en liesse
Couve encore une flamme.
Celle qu'entre ses doigts
Il roulait à minuit,
Faisant feu de tout bois
Pour baliser ses nuits.

Le vieux Bernard est mort,
Pas si vieux, pas si mort,
Voici qu'il règne encore,
Superbe roi de rien.
Et dans sa silhouette
Imposante et désuète,
Danse l'ombre fluette
D'un espiègle gamin.

Son royaume est ouvert
Aux quatre vérités,
On y compte les verres
Comme on compte les pieds.
Si le bout de sa rue
Devient le bout du monde,
Ne vous étonnez plus,
Même la terre est ronde.

Le vieux Bernard est mort,
Pas si vieux, pas si mort,
Et Dimey chante encore

Philippe Thivet
(21/03/2004)