Silence !

Ce silence de mort
Entre nous bien vivants
Qu’à raison ou à tort
On a craint bien souvent

 Se dressant comme un mur
Qui aurait trop d’oreilles
On y guette un murmure
Un bourdonn’ment d’abeille

 Ce silence à propos
Soulignant nos vacarmes
Y marquant le tempo
Des rires et des larmes

 Pendant bien avisé
Des langues trop pendues
Dont on crut se griser
Où l’on n’ s’est que perdu

 Silence ! Silence ! Silence !

 Le silence nous cause
Un étrange malaise
Le silence nous cause
Pour peu que l’on se taise

 Silence !

 Ce silence apparent
Où dérivent nos cris
Ravalant le torrent
De nos souffles meurtris 

Cette blessure sourde
Où nos lèvres se serrent
Jusqu’à vouloir se coudre
Pour mieux se donner l’air

 Ce silence éclatant
Où Mozart joue encore
Pause que prend le temps
Pour planter le décor

 Sur sa portée offerte
A nos pensées troublées
Ce n’est qu’en pure perte
Qu’on pourrait le meubler

 Silence ! Silence ! Silence !

 Le silence nous cause
Un étrange malaise
Le silence nous cause
Pour peu que l’on se taise

 Silence !

Ce silence pesant
Où l’on dit qu’un ang’ passe
Chacun se ravisant
En y cherchant sa place

 Ce calme plat sournois
Qui dit entre les lignes
En imposant sa loi
A la langue des signes

 Ce silence en solo
Qui nous parle de nous
Jetant au fil de l’eau
Ces fils qu’on y dénoue

 La minut’ de silence
A l’aplomb du cadran
Où s’égrène l’absence
De nos pauvres gisants

 Silence ! Silence ! Silence !

 Le silence nous cause
Un étrange malaise
Le silence nous cause
Pour peu que l’on se taise

 Silence !

 Ce silence ordinaire
Tuant par omission
Là où l’art de se taire
Devient compromission 

Bruissant de lieux communs
Au banquet des non-dits
Il remet à demain
L’instant de fair’ du bruit

 Ce silence apaisant
A nos heur’s bucoliques
Où une aile en passant
Dépose sa musique 

Pendu aux lèvres closes
De nos complicités
Le silence nous cause
En toute intimité

 Philippe Thivet
(14/10/2011)