Que garde-t-on de nos enfances?

Que garde-t-on de nos enfances
De traumatismes, de silences ?
Que garde-t-on sans le savoir
Bien au-delà de nos mémoires ?

Que garde-t-on quand le temps glisse
Sur les cœurs et les cicatrices
D’éclats et de peines perdues
A vouloir être reconnu ?

Que garde-t-on gosses modèles
Des « tais-toi donc et reste sage »
Des pair’s de claques, des Noëls
De l’angoisse des soirs d’orage ?

Que garde-t-on de ces gamins
Méd’cins en herbe ou chefs Indiens ?
Que garde-t-on de qui nous fûmes ?
Qu’y avons-nous laissé de plumes ?

Que garde-t-on de l’inconnu
Ce drôl’ de gosse au torse nu
Qui nous sourit sur la photo
Qu’on n’a pas revu de si tôt ?

Que garde-t-on des jours d’avant
D’avant d’être ce que l’on est
Avant la patine du temps
Les souvenirs à l’imparfait ?

Que garde-t-on de nos enfances
Quelle très vague ressemblance ?
Quelles scories, quelles pépites 
Dans cet adulte qui s’agite ?

Que garde-t-on des peurs d’enfant
Et de l’ombre de nos parents ?
Que garde-t-on de leurs blessures ?
Ou de ces voix qui nous rassurent ?

Que garde-t-on encor’ du manque
Dont nous n’avions mêm’ pas conscience
Et de ce môme qui se planque
Derrièr’ nos belles importances ?

Que garde-t-on de nos enfances
Du trop d’amour ou de l’absence ?
Que garde-t-on des plaies, des bosses
Du rouge à nos genoux de gosses ?

Que garde-t-on encore ici
Des fortun’s de Monopoly ?
Que garde-t-on de ces histoires
Dont on n’ sait plus ce qu’il faut croire ?

Que garde-t-on des jeux de billes
Du ciel couvert de nos marelles ?
Nos poids en secrets de famille
Ou juste un peu de plomb dans l’aile ?

Philippe Thivet
(24/04/2016)