Assommantes insomnies

Il y a des moutons plein la piaule,
Que je ne cesse de compter,
Dans les comptes d'apothicaire,
Que je pratique avec Morphée.
Depuis que le sommeil me frôle
En demeurant insaisissable,
Qu'aujourd'hui est encore hier
Attendant le marchand de sable.

Je pensais tomber de sommeil,
Mais je ne fais que trébucher,
Me prenant les pieds sans répit
Au fil tendu de mes pensées.
Toujours bloqué en mode « veille »,
Je fais un piètre noctambule,
Entre les cordes de ce lit
Où je mène un combat d'Hercule.

Et je mène une double vie,
Par d'assommantes insomnies
Qui m'attend'nt à l'orée des nuits.

Il y a les minutes qui passent,
Et le réveil attend son heure.
Aiguillonné par la trotteuse,
Je rêve encor' d'être un dormeur.
Les idées noir's se mett'nt en place
Pour baliser cette nuit blanche
Où toutes mes pensées douteuses
Vont pouvoir prendre leur revanche.

Et là planté sur l'oreiller,
Mon vieux sommeil est un poids plume.
En tête à taie sous les étoiles,
Je vois mes nuits qui se consument.
Serait-ce le prix à payer,
De nuits si longu's en jours trop courts,
A tant vouloir tisser sa toile
Dans ce foutu compte à rebours ?

Et je mène une double vie,
Par d'assommantes insomnies
Qui m'attend'nt à l'orée des nuits.

Il y a des litres de tilleul,
De camomille et de verveine,
Qui tentent de m'apprivoiser
En coulant à flots dans mes veines.
Mes draps ne sont que le linceul
De mes plus belles illusions.
Je tourne dans ce lit froissé,
A vouloir perdre la raison.

Et c'est à l'extinction des feux,
Que tout s'allume dans ma tête :
Ma journée fait son cinéma
Sur le grand écran de la couette.
Pour seulement sombrer un peu,
J'en appelle à tous les écueils.
Si Morphée se croise les bras,
Qu'au moins je puiss' dormir d'un œil.

Et je mène une double vie,
Par d'assommantes insomnies
Qui m'attend'nt à l'orée des nuits.

Philippe Thivet
(02/12/2002)