Les ombres du départ

Ne somm's-nous que des ombres
Toujours sur le départ,
Et noyées dans le nombre
De ces vies de hasard ?
Toujours entre deux portes,
Il nous faut bien partir,
Le diable nous emporte
Dans un éclat de rire.
Le temps de dir', je t'aime,
Ou peut-être bien pire,
De le penser quand même
Sans oser se le dire.

Les ombres du départ
Plan'nt au-dessus de nous,
Et la vie nous sépare,
Nous met K.O debout.

Voyageurs immobiles
A la force du temps,
On ne tient qu'à un fil
Sans y penser vraiment.
Le temps de le savoir
Il est déjà trop tard,
On se retrouve un soir
Sur le quai des départs.
On agite la main,
On se dit, au revoir,
Et notre âme en revient
Toute habillée de noir.

Les ombres du départ
Plan'nt au-dessus de nous,
Et la vie nous sépare,
Nous met K.O debout.

Ne somm's-nous que cela
Entre deux habitudes,
Quelques petits éclats
Au feu des solitudes ?
Dans ce train qui s'en va
Déchirant l'atmosphère,
Et qui sonne le glas
De nos vies éphémères.
Ceux qui partent devant
Emport'nt un bout de nous,
Nous les gardons pourtant
Au fond de nos yeux flous.

Les ombres du départ
Plan'nt au-dessus de nous,
Et la vie nous sépare,
Nous met K.O debout.

Voyageurs impatients
Regardant l'autre rive,
Quand en souffle le vent
Attisant nos plaies vives.
Au milieu des bagages
De celui qui s'en va,
On garde son visage,
Il nous manque déjà.
On reste sur le quai,
Incrédule et cœur gros,
On parle à l'imparfait,
Le présent fait défaut.

Les ombres du départ
Plan'nt au-dessus de nous,
Et la vie nous sépare,
Nous met K.O debout.

Avant de n'être plus
Que l'ombre de nous-mêmes,
Dédions le temps perdu
A tous ces gens qu'on aime.

Philippe Thivet
(02/04/2006)