Le mort fugueur

Non, tu n' me feras pas croire
Par un jour de printemps,
Quand la Voivre vient boire
Aux reflets de l'étang,
Qu'un' poul' d'eau s'affole,
Effrayée un instant,
Entre les herbes folles
Caressées par le vent,
Tu n' me feras pas croire
En ces jours d'émergence,
Que ce petit mur noir
Te maintient à distance.

Je sais que ces jours-là,
Le levant pour complice,
Tu sautes ce mur-là
Pour un nouveau caprice.

Non, tu n' me feras pas croire
En ces heures légères,
Quand germent les espoirs
Au sortir de l'hiver,
Qu'un rayon de soleil
Caresse un peu la pierre
Et tire sans pareil
Les fill's de leurs impers,
Tu n' me feras pas croire
En ces heur's enivrantes,
Que ce bout de terroir
Te conserve en son ventre.

Je sais qu'à ces heur's dites,
La jeunesse en sautoir,
Tu te lèves et tu quittes
Cette farce notoire.

Non, tu n' me feras pas croire
Au parquet de ce bal,
Quand s'ouvre un samedi soir
Sur quelques bacchanales,
Qu'aux peintur's électriques
Les nuits blanches s'étalent
En toile de musique
Pour fresque verticale,
Tu n' me feras pas croire
En ces soirées de fête,
Que cette dame en noir
Te retient et s'entête.

Je sais que ces soirs-là,
Le linceul au vestiaire,
Tu te tires de là
En plantant la rombière.

Non, tu n' me feras pas croire
Par une nuit trop chaude,
Quand la lune vient voir
Les étoiles qui rôdent,
Qu'un nuage égaré, arrive,
Et passe en fraude,
Pour mieux se comparer
Aux ombres qui maraudent,
Tu n' me feras pas croire
En cette nuit fébrile,
Que ce morne dortoir
T'as fait gosse docile.

Je sais qu'en ces nuits belles,
L'épitaphe en déroute,
Tu découches infidèle
Dans les ombres d'un doute.

Je sais, du moins j'espère
Le regard dans l'azur,
Que d' ce foutu cim'tière
Tu fais encor' le mur.

Philippe Thivet
(17/03/1997)

 

 

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