La mort, laissez-moi rire

La mort ! La mort !
Laissez-moi rire,
C'est un' farceuse,
Une allumeuse,
Et qui n'en fait rien qu'à sa tête.
La mort ! La mort !
Y a pas à dire,
Cette faucheuse
Est une gueuse,
Qui n' fait que se payer nos têtes.

Un tas d'enfants dans ses jupons,
Regardez la courir le monde,
Moissonneus' des quatre saisons
Au beau milieu des têtes blondes.
Moi je l'ai vue rouler des hanches
Pour les beaux yeux d'un collégien,
Allant le tirer par la manche,
Alors qu'il ne demandait rien.
J'ai vu l'enfant du bout du monde
S'en allant lui prendre la main,
Pour une bien funeste ronde,
Que je revois tourner sans fin.

La mort ! La mort !
Laissez-moi rire,
C'est un' charmeuse,
Une aguicheuse,
Et qui n'en fait rien qu'à sa tête.
La mort ! La mort !
Y a pas à dire,
Cette faucheuse
Est une gueuse,
Qui n' fait que se payer nos têtes.

Auto-stoppeuse de fortune,
Regardez la courir les routes,
Belle enjôleus' si l'en est une,
Prête à séduir' coûte que coûte.
Moi je l'ai vue pouce tendu,
Un soir d'hiver, tout près d'ici,
Attendre le premier venu,
Il avait la vie devant lui.
J'ai vu sombrer entre ses bras
De jeunes fous au regard fier,
Qui partant pour un coup d'éclat,
N'ont fait que mordre la poussière.

La mort ! La mort !
Laissez-moi rire,
C'est un' joueuse,
Une vicieuse,
Et qui n'en fait rien qu'à sa tête.
La mort ! La mort !
Y a pas à dire,
Cette faucheuse
Est une gueuse,
Qui n' fait que se payer nos têtes.

Soudain distant' sous ses grands airs,
Regardez la prendre son temps,
Se rendant d'un pas débonnaire
Au rendez-vous d'un prétendant.
Moi je l'ai vue se faire attendre
Dans l'antichambr' de la folie,
Où n'ayant plus qu'un souffle à rendre,
Un corps offrait son agonie.
J'ai vu parfois des dernièr's heures
N'en finissant pas sonner,
Elle se rendant où l'on se meurt,
Par le chemin des écoliers.

La mort ! La mort !
Laissez-moi rire,
C'est un' flambeuse,
Une bêcheuse,
Et qui n'en fait rien qu'à sa tête.
La mort ! La mort !
Y a pas à dire,
Cette faucheuse
Est une gueuse,
Qui n' fait que se payer nos têtes.

Entretenant quelques légendes,
Regardez la rouler sa bosse,
Jouant des ombres sur la lande,
Pour effrayer, les vieux, les gosses.
Moi je l'ai vue danser souvent
Au bras de trop de connaissances,
N'ayant parfois qu'à pein' le temps,
D'apprendre quelques pas de danse.
Je vois leurs ombres tournoyer
Auprès de moi là chaque jour,
Et je veux vivre à en crever,
Sachant qu'un jour viendra mon tour.

La vie ! La vie !
Laissez-moi rire,
C'est une gaffeuse,
Bien facétieuse,
Et qui n'en fait rien qu'à sa tête.
La vie ! La vie !
Y a pas à dire,
Cette valseuse
Est une gueuse,
A nous en fair' perdre la tête

Philippe Thivet
(21/06/2005)