Cette main
Sait-elle dessiner, bricoler, caresser
Panse-t-elle les plaies quand les mots ont blessé
Avec perte et fracas, et à brûle-pourpoint
Finit-elle parfois par n’être plus qu’un poing
Posée sur une épaule ou frappant une joue
Tueuse de sang froid tenant la cible en joue
Donne-t-elle plaisir aux confins de l’intime
Compte-t-elle les pieds, cherche-t-elle la rime
Cette main
Cette main
Est-elle maladroite, un peu moite, trop gauche
Ou habille croqueuse à son carnet d’ébauches
De l’index menaçante ou montrant le chemin
Vers sa ligne de cœur offerte au baisemain
Bec et ongles jouant à puits, feuille, ciseaux
Ou belle aux doigts cousant se méfiant des fuseaux
Compte-t-elle les jours, les amis, les amants
Croise-t-elle les doigts tout en prêtant serment
Cette main
Cette main
Serait-elle légère ou peut-être un peu leste
Coutumière en passant de la beauté du geste
Prête à se mettre au feu ou tremblante de trac
Patte blanche à la porte ou prise dans le sac
Baladeuse incongrue désobligeant les corps
Ou la tendre innocente du tirage au sort
Est-elle musicienne, ouvrière ou masseuse
Un peu tout ça sans doute, entre toutes jongleuse
Cette main
Cette main
Est-elle à la cuisine sur le sel un peu lourde
Ou signant son langage en dialogue de sourdes
Pickpocket, virtuose ou juste sale patte
Balayant d’un revers à la Ponce Pilate
Est-elle plus que nue sans un doigt d’indécence
Cache-sexe opportun se jouant de nos sens
Serait-elle de fer dirigeant son royaume
A-t-elle du cambouis ou un poil dans la paume
Cette main
Cette main
A-t-elle un doigt d’honneur tout au fond d’une poche
Salue-t-elle en soldat le képi qui s’approche
Amicale et tendue, la paume bien ouverte
Au satin d’une peau goûtant la découverte
Va-t-elle en gant de soie narguer croque-mitaine
Bat-elle d’un sang d’encre à son heure écrivaine
Laisse-t-elle sa trace au ciment des trottoirs
Ou quelques mots d’amour à la buée des miroirs
Cette main
Cette main
Philippe Thivet
(28/07/2017)