Ce vieux granit

J’essuie les verre(s) et les tempêtes
Au bout du monde, comme on dit
J’ai des voyages plein la tête
Mais j’aime trop ce trou maudit

Si j’en connais chaque rocaille
J’en sais aussi tous les naufrages
La vie d’ici ça se bataille
Et nos pavés sont sous la plage

Il faut le voir ce vieux granit
Quand la mer lui ouvre son cœur
Qu’elle fait bouillir sa marmite
En y jetant quelques rancœurs

Et déjà le ferry s’en va
En emportant les estivantes
Moi, dans tout ce qui reste là
J’entends déjà l’hiver qui vente

J’essuie les verre(s) et les tempêtes
Au bout du monde, soi-disant
Quand la saison est à la fête
Moi je n’ai pas vraiment le temps

La vie d’ici est un peu rude
Les homme(s) y ont leur élégance
Si j’en connais chaque habitude
J’en sais aussi tous les silences

Il faut le voir ce vieux granit
Les mains calleus’s, le regard clair
Ce bout de terre, ils y habitent
Non, pas de quoi en fair’ des vers!

J’attends que le ferry s’en aille
En emportant les souvenirs
Le bel été est à la baille
Les habitués vont revenir

J’essuie les verre(s) et les tempêtes
Au bout du monde, si l’on veut
Là où reviennent fair’ trempette
L’aoûtien et le macareux

Ici les cœurs sont amarrés
On prend la vie comme elle vient
A l’équinoxe la marée
Nous rendra ce qui nous revient

Il faut le voir ce vieux granit
Quand l’automne y met ses couleurs
Heureuse l’âme qui l’habite
Elle en sait toute la valeur

Mais le ferry repartira
Emportant les amours d’un soir
Par ici, il n’en restera
Que volets clos et au revoir

Philippe Thivet
(Île de Groix, 23/05/2018)