Le chant des partisans du moindre effort

Je ne sais pas quoi fair' de mes huit doigts.
De me tourner les pouces je suis las.
Et j'aime à laisser croir' dans ma débauche,
Que sous mon meilleur jour j'ai deux mains gauches.

Quand je brasse de l'air c'est pour le geste,
Histoir' de justifier un peu ma sieste.
Et tant je la savoure avec plaisir,
J'en oublie mêm' parfois de m'endormir.

Roi fainéant au règne ornemental
Sur ma cour je trône à l'horizontal.
Un p'tit coin d'herbe fraîche, et c'est Versailles !
Quand mes vingt doigts déploient leur éventail.

Manifestant pour le droit au repos,
Je couch' quelques slogans sur calicots.
Et pour mieux les prendre au mot tout à trac,
Je m'en fais sans vergogne des hamacs.

Revendiquant sans cesse avec aplomb
Le droit à la paresse, à l'inaction,
Je chante à tous les vents, mais pas trop fort,
Le chant des partisans du moindre effort.

De transat en couchette je transhume,
Me prenant à rêver d'être un légume.
Et quand un vieux fauteuil me tend les bras
Mon trop bon cœur ne lui résiste pas.

La paresse est un péché capital :
J' porte à mon auréol' ce coup fatal.
Contez-moi des histoires mais surtout,
Qu'ell's ne soient jamais à dormir debout.

Debout les gars ! peut-être mais sans moi,
Bien des clairons s'y sont cassé la voix.
Certains croisent le fer à tour de bras,
Quand je croise les miens c'est déjà ça.

Manifestant pour le droit au repos,
Je couch' quelques slogans sur calicots.
Et pour mieux les prendre au mot tout à trac,
Je m'en fais sans vergogne des hamacs.

Revendiquant sans cesse avec aplomb
Le droit à la paresse, à l'inaction,
Je chante à tous les vents, mais pas trop fort,
Le chant des partisans du moindre effort.

Pour moi la berceuse est un chant de joie,
Et les chaises sont longu's ça va de soi.
Mes matinées sont grass's, mais au détour,
Je déclare ma flemme à mon amour.

Ménageant ma montur' pour rêver loin,
Je confie mes voyag's aux tas de foin.
Et quand je suis lassé de ne rien faire,
Je m'en vais poursuivant quelques chimères.

Mort de fatigu', dit-on, façon d' parler,
Pour ma part je préfère anticiper.
L'oisiveté est mèr' de tous les vices,
Et je suis à coup sûr son plus beau fils.

Philippe Thivet
(14/02/2003)