Du bout des doigts

A ces heur’s-là leurs mémoir’s vives
Tournent encor’ à plein régime
Et eux toujours sur le qui-vive
Viennent chercher l’amour en ligne

Rois tout-puissants d’un monde étrange
Où rien n’ se créer, tout se transforme
Ils réinventent les échanges
Rien sur le fond, tout dans la forme

Ils ont quelques amis très chers
Qu’ils auront validés d’un clic
En quelques mots ils peuv’nt se plaire
Ou devenir antipathiques

Et qu’importe ce qu’ils en croient
Des scénarii qu’ils échafaudent
Ils se parlent du bout des doigts
Sur le clavier de leurs nuits chaudes

Toute une vie dans un pseudo
Navigateurs à mots couverts
Ou exposant leur libido
Comme on s’invite à prendre un verre

Ils passent des soirées ensemble
Chacun dans son propre salon
Un avatar qui leur ressemble
Dans le réel, lui se morfond

Et quelquefois ils font l’amour
Sans se voir et sans se connaître
Et se quittent le souffle court
Chacun refermant sa fenêtre

 Et qu’importe ce qu’ils en croient
Des scénarii qu’ils échafaudent
Ils se parlent du bout des doigts
Sur le clavier de leurs nuits chaudes

Ils se dévoilent sans se voir
Puis ils se voient sans se toucher
En fantasmant sur l’écran noir
Du jour où ils vont s’approcher

Mais le smiley de leur jouissance
Humanisant leur logiciel
Peut-il vraiment tromper leurs sens
A ce petit jeu virtuel ?

Optimisant l’ubiquité
Ils se ménagent des entractes
En continuant à discuter
Ils glanent de nouveaux contacts

Et qu’importe ce qu’ils en croient
Des scénarii qu’ils échafaudent
Ils se parlent du bout des doigts
Sur le clavier de leurs nuits chaudes

Rien de nouveau sous les étoiles
Bel-Apollon-cherchant-Vénus
Tombant le masque de la Toile
N’est que Polo-l’Olibrius

Douce-Amazone-du-9.2
Crevant l’écran de ses atours
N’est qu’une fille un peu hors-jeu
Ne voulant pas rater son tour

Ne trouvant plus rien à se dire
Ils ont décidé de se voir
Et pour ne pas se fair’ mentir
Ils ont fait l’amour sans y croire

Et puis qu'importe qu'ils accèdent
Aux scénarii qu'ils échafaudent
Tchat échaudé n' craint pas l'eau tiède
Sur le clavier de leurs nuits chaudes

Philippe Thivet
(26/02/2011)