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Outre-mère

Combien faut-il de deuils
Pour n’être plus qu’un corps
Une pierre, un écueil
Et s’y échouer encore

Que faut-il de douleur
Pour être infanticide
Pour s’arrêter le cœur
Et aspirer au vide

Combien de reniements
Pour n’être qu’étrangers
Pour tuer les sentiments
Ou pour s’en arranger

Je vous écris ma mère
Du fond de mon enfance
Où tous vos jours amers
M’exhortent au silence

Combien faut-il de temps
Pour s’effacer soi-même
Pour tuer à bout portant
Même les gens qu’on aime

Que faut-il de souffrance
D’orgueil ou de folie
Pour nier l’évidence
De ce qui nous relie

Combien faut-il d’années
Pour tuer les souvenirs
Pour ainsi condamner
Tout ce qu’on pourrait dire

Je vous écris ma mère
Sachant qu’il est trop tard
Déjà la pleine mer
A rompu vos amarres

Combien faut-il de larmes
De cris ou de silences
Pour n’avoir plus que l’arme
Acérée de l’absence

Que faut-il de rancœurs
De heurts, de solitude
Pour n’être qu’un bunker
Dans un hiver trop rude

Combien de mots frontières
Et de fuites faciles
Pour qu’une vie entière
Vous mène à cet exil

Je vous écris ma mère
À défaut de vous joindre
Voyageant outre-mère
Je ne peux que vous plaindre

Combien de mots perdus
Et d’appels en souffrance
Jusqu’à cette heure indue
Niant notre existence

Faut-il que je sois mort
Par votre propre voix
Pour paver de remords
Votre chemin de croix

Combien faut-il de deuils
Pour n’être plus qu’un corps
Une pierre, un écueil
Et s’y échouer encore

Je vous écris ma mère
Questionnant d’évidence
L’exécution sommaire
De votre descendance

Combien faut-il de temps
De combats, de moulins
Pour se dir’ qu’il est temps
De se croire orphelin

Je vous écris ma mère
Du fond de mon enfance
Où tous vos jours amers
M’exhortent au silence

Philippe Thivet
(23/01/2024)

 

 

 

 

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