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Les bourreaux ordinaires

Quel est cet inconnu
Qui nous semble étranger
N’est-il pas saugrenu
Qu’on puisse le juger

Condamné du regard
Par nos bonnes consciences
L’accusé l’œil hagard
Encaisse la sentence

Au fond des arrièr’-cours
Où se dresse la cour
Chacun se fera fort
De l’inculper à tort

Auto-commis d’office
Les bourreaux ordinaires
S’offrent en sacrifice
Quelque bouc émissaire

Dieu sait qu’il s’en raconte
À propos d’unetelle
Qu’on mette sur son compte
Tous nos péchés mortels

En foi d’une apparence
Du poids d’un préjugé
C’est condamnée s’avance
Qu’elle est envisagée

Les, on-dit, c’est banal
Dressent leur tribunal
Chacun ayant à cœur
D’y être procureur

Tombe le couperet
Des bourreaux ordinaires
Sans remords ni regrets
On classera l’affaire

Celui-ci se démarque
En allant son chemin
Où qu’il mène sa barque
On soupçonne ses mains

Jugé comme il se doit
Sans forme de procès
On se montre du doigt
Ce coupable parfait

Quand à cor et à cri
Se dresse le jury
Chacun voulant au moins
Y être faux témoin

Que s’abatte la lame
Des bourreaux ordinaires
On se réchauffe l’âme
À cet instinct grégaire

Celui-là est connu
Sa têt’ ne revient pas
Il n’est pas bienvenu
Où que mènent ses pas

Le suspect est trouvé
On ragote les charges
Il n’a pas avoué
Mais il a le dos large

Sans vérifier l’info
On dresse l’échafaud
Chacun vient à la barre
Y apporter sa part

À l’heur’ de la vindicte
Les bourreaux ordinaires
Annoncent le verdict
En langue de vipère

Accusé couchez-vous
Pour délit de faciès
Vous êtes sous le coup
De nos emporte-pièces

Philippe Thivet
(01/05/2021)

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