Enez Eussa

De rocaille en caillasse
Toute une île se dresse
De caillasse en rocaille
Peu de bateaux s’y pressent

Les caprices du temps
En auront découpé
A même l’océan
La carte à main levée

Cette pince de crabe
Empoigne l’Atlantique
Et dans le vent se cabre
Saluant l’Amérique

Ici les vents des îles
Ne sont pas alizés
On s’y met en péril
A vouloir l’ignorer

De rocaille en caillasse
Le phar’ du Stiff se dresse
De caillasse en rocaille
Ce que la mer y laisse

Ici la vie se prend
Comme on prend du galon
Les arbres en rampant
Pouss’nt au creux des vallons

La ligne d’horizon
En nuances de gris
Annonce les saisons
Au menu d’aujourd’hui

Parol’s de Ouessantins
Pour dir’ s’il fera beau
Attendre et voir demain
N’est meilleur’ météo

De rocaille en caillasse
Et Nividic se dresse
De caillasse en rocaille
Les feux ont leur adresse

En chaussettes d’écume
Kéréon veille au grain
Et le Fromveur assume
Sa renommée de chien

Les éclats de Créac’h
Y réchauffent les nuits
Son reflet dans les bâches
Désannonce les pluies

On y sait le noroît
Ici, bien mieux qu’ailleurs
Et si on le tutoie
On le sait naufrageur

De rocaille en caillasse
Et la Jument se dresse
De caillasse en rocaille
Ce que les troupeaux paissent

Jusqu’en baie de Lampaul
Les écueils affleurant
Mettent à rude école
Les marins du ponant

Mais le chant d’un faisan
Les moutons en chemins
Rappellent en passant
Qu’on y reste terrien

Mené de mains de femmes
Ce petit bout de terre
Vaut son pesant de drames
De naufrages, de guerres

De rocaille en caillasse
Toute une île se dresse
De caillasse en rocaille
Les marins ont leurs messes

Au rythme des marées
De jeunes goélands
Reviennent s’argenter
Au soleil de Ouessant

Philippe Thivet
(18/05/2016)