Chanson léonarde

On dit que le Léon est un grand potager
Que le vent y revient d’avoir trop voyagé
On dit que l’artichaut y est princ’ de Bretagne
Que l’écume parfois vient blanchir la campagne

On dit que certains soirs, l’ombre des naufrageurs
Hante encor’ les écueils par la voix des conteurs
On dit que le marin joue à saute rochers
Que quand la mouette a pied, il est temps de virer

On dit ce que l’on veut
Je voyage en ces lieux

On dit que Léonard se tient dos à la mer
Que la marée parfois apporte un container
On dit que la banan’ pousse à l’île de Batz
Pour pêcher le tourist’, c’est un curieux appât

On dit que les Johnnies, chapelets au guidon
Le cap sur l’Angleterre  allaient vendre l’oignon
On dit que la sardine, il y a près d’un siècle
Avait fait la fortune de l’île de Sieck

On dit ce que l’on veut
Je voyage en ces lieux

On dit que sur la côte à la grande saison
Fumaient dans le vent âcr’ les fours à goémon
On dit parfois le soir des histoire(s) aux enfants
Des légendes peut-êtr’, des tours de korrigans

On dit qu’on y connaît les vertus de la brume
Et le prix de la terr’ qu’on gagnait sur les dunes
On dit c’est à Saint-Pol, au marché au cadran
Qu’on décide du sort de la terr’ qui s’y vend

On dit ce que l’on veut
Je voyage en ces lieux

On dit les bateaux sèch’nt, pour dir’ la mer est basse
En comptant les ferries à l’horizon qui passent
On dit qu’à la criée, Roscoff a de la voix
Qu’une reine d’Ecosse est venue autrefois

On dit que le courlis descend des monts d’Arrée
En portant les couleurs de l’automne annoncé
On dit que le granit s’invente quelquefois
Des formes d’animaux grondant dans le noroît

On dit ce que l’on veut
Je voyage en ces lieux

Que pourrais-j’ dir’ de plus de ce coin de Bretagne ?
Je n’y suis qu’un passant entre mer et campagne

                                                                      à Anne et Jean-Yves...

Philippe Thivet
(14/09/2015)