Quand je serai vieux

Quand je serai vieux et mêm' pas mort
Trahi sans doute par mon corps,
Que sans adress' je ferai l' jeu
D'une mémoir' qui... déménage.

Quand mes vieux doigts feront des nœuds
Pour bien penser à fair' leur âge,
Que ma jeunesse peu à peu
Roul'ra aux creux de mon visage.

Quand je serai vieux et mêm' pas mort
Pudiquement appelé senior,
Que les brav's gens sous leur sourire
Pens'ront tout bas voilà l'ancêtre.

Quand plus personn' ne saura dire
Quel genr' d'enfant je pouvais être,
Que mes fantôm's m'aim'ront plus fort,
Quand je serai vieux et mêm' pas mort.

Je veux garder quelques colères,
Et n'être pas tout à fait fou,
Et puis finir vieux solitaire
Plutôt que d'être avec les loups.

Quand je serai vieux et mêm' pas mort
Fixé peut-être sur mon sort,
Que mon vieux cœur tout cabossé
Ne battra plus que la chamade.

Quand le fil noir de mes pensées
Band'ra mes illusions malades,
Que ma vieill' peau trop fatiguée
Pos'ra ses valis's en cascades.

Quand je serai vieux et mêm' pas mort
Au bout de quelque corridor,
Que tout's mes dents seront tombées
Contre quelqu'un ou quelque chose.

Quand tous mes compt's seront réglés
Par prescription je le suppose,
Qu' les apparenc's me donn'ront tort,
Quand je serai vieux et mêm' pas mort.

Je veux garder quelques colères,
Et n'être pas tout à fait fou,
Et puis finir vieux solitaire
Plutôt que d'être avec les loups.

Philippe Thivet
(18/10/1998)

 

×