Le feu des souvenirs

« Le souvenir est un poète, n’en fais pas un historien » *Paul Géraldy

Les souvenirs sont des enfants
Jouant avec le feu
Écoute-les soufflant
Que nous étions heureux

Qu’en savent-ils vraiment
Puisqu’ils n’étaient pas nés
Que leur valeur attend
Le nombre des années

La boîte d’allumettes
À portée de la main
Méfions-nous des fêtes
De ces sales gamins

Les souvenirs sont des tyrans
Se cherchant un pouvoir
Regarde-les tirant
Le fil de nos mémoires

Maîtres marionnettistes
De nos bonnes consciences
Ils font leur tour de piste
Imposant le silence

Quelques trous de mémoire
Où glisser quelques corps
Ils arrangent l’histoire
Retouchent le décor

Les souvenirs sont des conteurs
En quête d’auditoire
Qu’ils se veuillent flatteurs
Ou bien rédhibitoires

Si toute ressemblance
Ne peut être fortuite
Selon toute apparence
Ils nourrissent le mythe

Le fantasme et l’orgueil
À portée d’écriture
Qui portera le deuil
De toutes leurs ratures

Les souvenirs sont des poètes
Comme a dit l’un des leurs*
N’en faisant qu’à nos têtes
Pour paraître enjôleurs

Regarde-les danser
Sur nos cordes sensibles
Comme couteaux lancés
En plein cœur de la cible

Ce sont des fleurs du temps
Déployant leur corolle
Et nous faisons semblant
D’y croire sur parole

Les souvenirs sont des enfants
Qui nous traitent de vieux
Et nous aimons pourtant
Jouer avec ce feu

Philippe Thivet
(28/01/2022)