Nos nuits métropoles

Où est passé le noir de nos nuits métropoles
La lune, les étoiles, l’éclat des lucioles
Où sont passés les monstres sous nos lits d’enfants
Quand le moindre recoin à la nuit se défend
Où donc est la boussol’ de l’étoile polaire
Ce besoin primitif de regarder en l’air
Cette envie de se perdre et d’aller à tâtons
Quand tout est balisé à grands coups de photons

Où est passé le fil de nos nuits somnambules
Ce rai de lumièr’ noire où l’on va funambules
Où est passé l’espoir de la moindre étincelle
Quand autour de minuit la nuit se fait la belle
Qui saura contenir ce brasier qui crépite
La ceinture de feu de nos vues satellites
Le dernier coup d’éclat de nos taux de croissance
Quand dans notre univers tout n’est qu’incandescence

Où est passée l’éclipse de nos cadrans solaires
Et le noir sidéral des longues nuits d’hiver
Où est passée la vie du papillon de nuit
Quand la gueule du loup est l’ampoule qui luit
Où est le clair de lune où l’on hurle à la mort
Ce lumignon de plus perdu dans le décor
Les étoiles filant’s, la Grande Ourse qui gronde
Quand la nuit n’est qu’un mot que la lumière inonde

Où vont les noctambule(s) éblouis par les phares
La faune nyctalope que tant de feux effarent
Où est passé l’envers de toutes nos nuits blanches
Quand sur nos moindres peurs un lampadair’ se penche
Où est passée la nuit aux grisailles félines
Porteuse de conseils loin des leds assassines
Les amours clandestin’s qu’elle prend sous son aile
Sans même un réverbèr’ pour tenir la chandelle

Où est le tableau noir de nos nuits d’astronomes
Sous la craie halogèn’ des cancres que nous sommes
L’insatiable appétit de tous nos feux de joie
Emplissant de la nuit leur panse de bourgeois
Où passent les ténèbres dans nos mains pyromanes
Quand la moindre ruelle est la proie de nos flammes
Qui saura décréter la trêve des flambeurs
Quand nos ombres chinois’s pâlissent d’heure en heure

Où est passé le noir de nos nuits métropoles
La lune, les étoiles, l’éclat des lucioles

Philippe Thivet
(22/03/2022)