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L’arbre qui cache la forêt

Du dernier de l’île de Pâques
À Notre-Dame-du-tarmac
De cette branche que l’on scie
À l’ombre où l’on était assis

Du bois flotté qui se souvient
Aux dents lançant leur va-et-vient
Par les palabres qui se taisent
L’amour vorace de la braise

Si l’arbre cache la forêt
Qu’en sera-t-il s’il disparaît

Du temps donné des bulldozers
À l’avancée de nos déserts
De l’industrie ouvrant sa route
À l’aune d’un terrain de foot

Du bois dormant de nos histoires
Aux fumées qu’on ne veut pas voir
Du souffle chaud de nos pipeaux
À nos débauches de copeaux

Si l’arbre cache la forêt
Qu’en sera-t-il s’il disparaît

De l’agonie au fond des bois
Aux tronçonneuses qui aboient
À petit feu ou grand bûcher
Droit comme un « i », tête penchée

Du vermoulu de son grand âge
À tous nos projets xylophages
Par cet automne sans retour
Pour l’appétit de nos grands fours

Si l’arbre cache la forêt
Qu’en sera-t-il s’il disparaît

Du reniement de ses racines
Aux pluies acides qui le minent
D’un coup de foudre en solitaire
Aux oiseaux que l’on a fait taire

De notre forêt de hangars
À l’étincelle qui s’égare
Par le parechoc qui le condamne
Le temps révolu des cabanes

Si l’arbre cache la forêt
Qu’en sera-t-il s’il disparaît

De là où le roseau s’incline
À l’ouragan criant famine
Par la coulée de macadam
La vue sur mer que l’on réclame

Du cœur gravé qui ne bat plus
Aux tables rases des talus
Du cri strident de la scierie
À ce papier où je t’écris

Si l’arbre cache la forêt
Qu’en sera-t-il s’il disparaît

Est-il cercueil ou pépinière
L’arbre tombé dans la clairière
Quand dans cette armada qui sombre
Chaque arbre en moins, nous fait de l’ombre

Philippe Thivet
(24/10/2023)