Au clair de la Terre

D’un’ fenêtre sur cour au coin de l’univers
Pierrot regarde un peu du côté de la Terre.
Son croissant suspendu n’est plus qu’un réverbère,
Que regardent à pein’ quelques doux tête en l’air.
Les rêves maintenant se monnai’nt en dollars :
Disneyland n’est encor’ qu’une étap’ transitoire.
Et les grandes fortunes
Qui régissent le monde,
Vont décrocher la lune
Pour la vendre à la ronde.

Quand la publicité
Nous tient lieu de désir,
A quoi bon se souhaiter
Un plus bel avenir ?

D’un’ fenêtre sur cour au coin de l’univers
Les dieux regard’nt un peu du côté de la Terre.
Leur grand œuvre achevé n’est qu’une pétaudière.
A en perdre la boul’ leurs pantins tourn’nt en l’air.
Les édens luxuriants du monde économique,
Camouflent les bruits sourds des banlieues faméliques.
Et les humains déchus
De ce jeu suicidaire,
Attendent à la rue
Leur destin planétaire.

Quand la vie n’est en fait
Qu’un concours permanent,
A quoi bon s’étonner
Qu’il y ait des perdants ?

D’un’ fenêtre sur cour au coin de l’univers
E.T. regarde un peu du côté de la Terre.
Sa galaxie n’est plus qu’à quelqu’s années-lumière,
Mais il n’est plus partant pour ce genr’ de croisière.
De ces contrées fertil’s où l’homme a fait son miel,
A cette terre exsangu’ qu’il suce de plus belle,
Les îlots épargnés
De ses sombres pouvoirs,
Seront bientôt cotés
Au cours du marché noir.

Quand le taux de croissance
Se fait dieu tout-puissant,
A quoi bon l’éloquence
De nos beaux sentiments ?

D’un’ fenêtre sur cour au coin de l’univers
Les Mus’s regard’nt un peu du côté de la Terre.
Leur souffle inspirateur le plus souvent se perd
Dans les voil’s déchirées d’immuables galères.
Le génie des bouffons n’a plus cours et s’efface,
Dans l’ombre anthropophag’ des roitelets en place.
Même la rébellion
Se débite à la chaîne,
D’aucuns se croient des lions,
Mais ne sont que des hyènes.

Quand le seul vrai talent
Est de savoir se vendre,
A quoi bon jouer perdant
En se faisant Cassandre ?

D’un’ fenêtre allumée au coin de l’univers
Un homm’ regarde un peu du côté de la Terre.
Les relais-satellit’s tâchant de le distraire,
Le bombardent d’imag’s à ne savoir qu’en faire.
Les bard’s interchangeabl’s qui bercent ses soirées,
Délivrent leur message : « ô braves gens dormez ! »
Même les chants d’espoir
Ont un goût d’amertume,
Quand il s’agit de voir
A quoi ils se résument.

Quand la télévision
Nous tient lieu de conscience,
A quoi bon dans le fond
Douter de son bon sens ?

Philippe Thivet
(26/08/2002)