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A la lune

Si la lune là-haut
N'avait rien d'autre à faire,
Que de bercer les flots
En regardant la mer,
D'attendre la visite
De voisins égarés
Entre un vieux satellite
Et une Terre usée ?

Qui peut bien s'en soucier,
Inutile et splendide,
Quand pour l'humanité
C'est un pas dans le vide ?

Même les loups-garous
Désertent sa lumière,
Les romans à trois sous
N'ont plus l'heur de nous plaire.
Pierrot depuis des lunes
Tape sur un clavier,
Sa chandell' de fortune
Est un écran bleuté.

Qui la regarde encore,
Inutile et splendide,
Tantôt pleine à ras bords,
D'autres fois noire et vide ?

Qu'un maniaque en secret
La prenne pour témoin
D'un ignoble forfait,
Et dès le lendemain,
On affiche à la une
Sa frimousse perfide,
Sa gueul' de pleine lune,
Sa face d'homicide.

Qui donc la défendra,
Inutile et splendide,
Cette rein' de sabbat
A la beauté livide ?

Moi qui suis dans la lune,
Trop souvent à ton goût,
Je poursuis dans ses dunes
Mes rêves les plus doux,
Et certains soirs d'été
Je te croise là-haut,
Quand l'étoil' du Berger
Rassemble son troupeau.

Qui sait encor' la voir,
Inutile et splendide,
Sculptant les ombres noires
D'un nuage placide ?

Regarde ma jolie
La lune est aux abois,
On l'a réduite ici
A décompter les mois,
Coincée dans l'almanach,
Entre les vieux dictons
Que l'on se mentira
Au rythme des saisons.

Qui saura l'arracher,
Inutile et splendide,
Aux feuilles encombrées
De cette éphéméride ?

Si la lune là-haut
S'éclipse encor' parfois,
N'allez pas aussitôt
Le crier sur les toits,
Miroir de courtoisie
Où se mir' le soleil,
Elle peut vu d'ici
L'éteindre tout pareil.

Qui sait à l'heur' qu'il est,
Inutile et splendide,
Si ma lamp' de chevet
Se remplit ou se vide ?

Philippe Thivet
(02/02/2005)